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Psychosociologie


Psychosociologie
Branche de la psychologie centrée sur l'étude scientifique du comportement des individus comme êtres faisant partie d'un groupe, d'une société.
Les psychosociologues ont décrit un très grand nombre d'objets qui paraissent relativement hétéroclites, comme la communication dans les groupes restreints, les enquêtes d'opinion, les processus de commandement et de leadership. Il en résulte que la discipline paraît aujourd'hui quelque peu floue quant à ses méthodes, son histoire et son objet. La richesse et l'ambiguïté de cette situation contribuent à amplifier l'intérêt qu'elle présente aujourd'hui pour diverses disciplines voisines.
Genèse de la théorie
La psychologie sociale remonte aux premières investigations sur les rapports de l'homme à la société. Plusieurs problèmes de la psychologie sociale contemporaine avaient déjà été posés et traités par les philosophes, bien avant que la psychologie ait été séparée du tronc commun de la philosophie. Certaines questions avaient ainsi été formulées par Aristote, dont l'adage «L'homme est un animal politique» (c'est-à-dire destiné à vivre dans la cité) exerça une influence décisive sur la postérité, ainsi que par d'autres philosophes, comme l'Italien Machiavel ou l'Anglais Thomas Hobbes («l'homme est un loup pour l'homme»), qui ont alimenté la psychologie sociale contemporaine.
La psychologie sociale contemporaine est née avec le philosophe américain George Herbert Mead (1863-1931). Celui-ci considérait que notre conscience est constituée par l'action sociale, la communication et l'intériorisation des rôles que jouent les hommes en société. En fait, Mead était influencé par le béhaviorisme du psychologue John Broadus Watson (1878-1958), qui connaissait aux États-Unis un succès foudroyant. La psychologie sociale a pris une forme moins philosophique et plus scientifique avec la parution d'un important manuel intitulé Psychologie sociale (1924) par le psychologue américain Floyd H. Allport, qui a eu une influence décisive sur le développement de la psychologie sociale en tant que spécialité de la psychologie générale. Allport s'est servi des principes de l'apprentissage par association pour rendre compte de nombreux comportements sociaux et des phénomènes tels que les mécanismes de la transmission culturelle.
Premières expériences
La recherche empirique fit ses débuts dans les années 1930. Elle portait d'abord sur des domaines comme le comportement animal social, la résolution de problèmes en groupe, les attitudes et la persuasion, les stéréotypes nationaux et ethniques, la propagation des rumeurs et le leadership. Le psychologue américain Kurt Lewin a démontré qu'il est nécessaire de faire précéder la recherche d'une analyse théorique, le but de la recherche étant d'élucider les mécanismes qui sous-tendent le comportement étudié. Proposant une explication d'un comportement donné, la théorie permet au chercheur de prédire les conditions dans lesquelles le comportement se produira ou ne se produira pas. Le chercheur programme alors des expériences dont on fait varier méthodiquement les conditions, de sorte qu'il ne reste qu'à observer et à mesurer le comportement qu'elles suscitent. Les résultats permettent ensuite en principe de réviser et de généraliser la théorie. Le pas vers une conception scientifique de la psychologie sociale était ainsi franchi.
En 1939, Lewin et deux de ses étudiants en doctorat publièrent les résultats d'une recherche qui fit date. Les chercheurs avaient fait adopter différents styles de direction par les mêmes adultes alors que ceux-ci dirigeaient des groupes d'enfants. Les adultes cherchaient à établir un climat particulier de leadership — démocratique, autocratique ou de laissez-faire —, en d'autres termes des conditions d'environnement social de trois styles tout à fait opposés. Les réactions des enfants furent observées et un rapport détaillé des différents types d'interaction sociale fut établi. En dépit de certaines faiblesses, l'expérience a montré que le climat social démocratique (notion pourtant obscure) pouvait être créé dans des conditions de laboratoire contrôlées.
L'originalité et le succès de cette recherche eurent un effet libérateur. Dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, on assista à une vague de recherches expérimentales impliquant la manipulation de l'environnement social par la technique de mise en scène en laboratoire. Parallèlement, la recherche non expérimentale en psychologie sociale obtenait sur le terrain d'importants résultats. Aujourd'hui, la psychologie sociale est dominée par la recherche concrète, pratique et objective au détriment de la recherche spéculative.
Domaines de recherche
La psychologie sociale a des points communs avec de nombreuses autres disciplines, en particulier avec la sociologie et l'anthropologie culturelle. Mais tandis que le sociologue étudie les groupes sociaux et les institutions et que l'anthropologue se penche sur les différentes cultures, le psychosociologue s'intéresse à la façon dont les groupes sociaux, les institutions et les cultures influencent le comportement de l'individu. Les grands domaines de recherche en psychologie sociale s'articulent autour de la socialisation, des attitudes et de leurs changements, de l'affiliation sociale, de la structure du groupe et de la personnalité.
Socialisation
Les psychosociologues qui étudient le phénomène de la socialisation, c'est-à-dire le processus par lequel le sujet s'adapte ou est formé à un environnement social, s'intéressent à la façon dont les individus apprennent les règles qui régissent leur comportement vis-à-vis des autres personnes dans la société, qu'il s'agisse des groupes dont ils sont membres ou des individus qu'ils côtoient. La façon dont les enfants apprennent le langage, les rôles sexuels dans la société, les principes moraux et éthiques et le comportement adapté en général ont fait l'objet de recherches approfondies, tout comme les méthodes par lesquelles les adultes apprennent à adapter leur mode de comportement lorsqu'ils sont confrontés à des situations nouvelles.
Attitudes et changement d'attitude
Les attitudes des individus dans le groupe sont communément décrites comme des comportements acquis qui exercent une influence régulière sur les réactions individuelles aux objets, aux personnes ou aux groupes. En tant que produit de la socialisation, les attitudes sont considérées comme modifiables.
On a souvent vérifié l'hypothèse selon laquelle les individus tendent à maintenir une cohérence logique entre la perception qu'ils ont d'eux-mêmes et celle qu'attend d'eux leur environnement : cette hypothèse a permis de découvrir que, si le comportement détermine les attitudes (dispositions internes de l'individu à l'égard d'un problème social ou d'un groupe), la relation inverse est tout aussi vraie. Un grand nombre de théories sur la «consistance cognitive» (la cohérence logique) ont acquis une grande importance en psychologie sociale. Ces théories mettent en relief l'intérêt qu'a l'individu à penser que ses idées sont en accord avec sa conduite, ce qui l'incite à réagir, quand il est en face d'une perception inconsistante, par une tentative de réduction de l'inconsistance.
Les recherches des psychosociologues visent à comprendre les conditions dans lesquelles l'individu perçoit une inconsistance et celles dans lesquelles il s'efforce de réduire celle-ci en modifiant certaines de ses attitudes. Les études qui ont été réalisées, étayent la prédiction de la théorie de la consistance : selon celle-ci, les attitudes d'un individu envers un groupe peuvent être modifiées en amenant le sujet à modifier son comportement envers le groupe. Le changement d'attitude représente les efforts de l'individu pour harmoniser les idées qu'il se fait du groupe avec son comportement envers les membres de ce groupe.
Affiliation sociale, pouvoir et influence
Les facteurs qui régissent les liens d'affiliation et les rapports d'influence ont fait l'objet de recherches approfondies de la part des psychosociologues. Ainsi, les chercheurs ont mis en évidence qu'un individu, qui ne sait que penser ou comment réagir dans une situation nouvelle ou désagréable, cherchera auprès des autres l'information qui lui fait défaut. Les psychosociologues ont également mis en évidence le fait que les premiers-nés et les enfants uniques sont généralement plus enclins à se joindre à des groupes durant leur vie que les cadets.
Structure et fonctionnement de groupe
Les psychosociologues étudient les problèmes liés aux rapports d'influence réciproque entre le groupe et l'individu, entre autres les questions de la fonction, du style et de l'efficacité du leadership. Leurs recherches portent sur les conditions dans lesquelles les individus ou les groupes résolvent leurs conflits par la coopération ou la concurrence, et sur les multiples conséquences de ces modes de résolution des conflits. Les chercheurs tentent également de découvrir par quels moyens les groupes incitent ses membres à la conformité et comment ils traitent les membres récalcitrants; cette approche permet également de connaître les valeurs spécifiques du groupe.
Personnalité et société
Certains psychosociologues centrent leur recherche sur le développement des différences interindividuelles permanentes et sur les conséquences qui en découlent. Ils ont découvert que le degré de motivation face à une tâche, qui peut être mesuré, a une incidence sensible sur la façon dont un individu se comporte dans des situations sociales différentes de celle où a été exécutée cette tâche. Il a été démontré que certains types d'attitude envers l'autorité, comme celui de la «personnalité autoritaire», se manifestent par exemple, dans l'Europe de 1930 à 1945 envers les minorités ethniques ainsi que dans les comportements sociaux et politiques marqués par l'antisémitisme, l'ethnocentrisme, le conservatisme et les tendances antidémocratiques. Le syndrome de la personnalité connu sous le nom de «machiavélisme» est utilisé pour désigner l'attitude de certains individus dotés d'une grande aptitude à dominer des situations interpersonnelles déterminées.
Les techniques d'investigation
La psychologie sociale fait appel à de nombreuses méthodes et techniques de recherche. La recherche fondée sur la théorie a une longue tradition dans cette discipline et des modèles mathématiques sont de plus en plus utilisés dans les études psychosociologiques. Ces modèles théoriques constituent des projections du comportement social dans un système de relations sociales imaginées et sont détaillés et quantifiés à l'aide de paramètres mesurables précis.
Le questionnaire et l'entretien font partie des autres techniques très utilisées dans les sondages d'opinion publique et dans les études des choix entre les produits auprès des consommateurs. Ces deux méthodes constituent un défi considérable pour les enquêteurs. En effet, dans l'enquête sur le terrain, il est impossible de procéder au type de contrôle de l'environnement comme en laboratoire et les effets imperceptibles de variables que l'on peut observer dans les expériences en laboratoire sont fréquemment occultés par d'autres variables présentes dans les environnements sociaux réels.
Le comportement fait souvent l'objet d'observations systématiques dans un cadre naturel ou à l'aide d'ordinateurs programmés pour simuler un comportement social. Des techniques spéciales servent à analyser les statistiques et autres données, à procéder à des mesures d'attitudes, de choix social et d'attirance interpersonnelle. Les mesures psychophysiologiques, mesures des caractéristiques mentales et physiologiques communes, sont également importantes. La recherche transnationale et transculturelle fournit des comparaisons sur les comportements entre nations et cultures, le même travail de recherche étant mené dans plusieurs pays différents en vue de déterminer la validité transculturelle de la recherche.
Psychologie sociale appliquée
Les principes élaborés en laboratoire et dans la recherche sur le terrain sont appliqués à quantité de situations et de problèmes sociaux. Les chercheurs et conseillers en psychologie sociale appliquée contribuent à tenter de résoudre les problèmes propres aux relations ethniques, aux rapports internationaux, aux liens entre travailleurs dans l'entreprise, aux comportements politique et économique, à l'éducation, à la publicité. Industries, organismes, écoles et groupements de toutes sortes font régulièrement appel aux services des spécialistes en psychosociologie appliquée pour améliorer les relations interpersonnelles, la compréhension entre les membres de groupes en conflit, diagnostiquer et aider à résoudre les problèmes de la production en équipe.
Relations sociales
Les psychosociologues se sont, de tout temps, intéressés aux relations personnelles affectives. Les études sur les relations de longue durée ont montré que celles-ci possèdent une structure spécifique comportant des règles et des stéréotypes comportementaux qui se modifient au cours de l'histoire de la relation. Différentes théories ont été exposées pour expliquer l'équilibre des coûts et des récompenses qui sous-tendent les relations et qui aident à surmonter les conflits.
Communications interpersonnelles
Les psychosociologues ont mis en évidence le rôle central du langage et de la communication dans l'organisation et le fonctionnement de la vie sociale. Il existe une grande tradition de recherche sur la communication non verbale qui montre qu'une communication inconsciente complexe utilisant le langage du corps est nécessaire au bon fonctionnement de l'interaction sociale. C'est de cette façon que l'individu communique sa sympathie et laisse percevoir ses tendances affectives.
La psychologie sociale manifeste actuellement un intérêt croissant pour l'analyse du discours. Le rôle du langage dans la construction du monde social est appréhendé par des méthodes inspirées de la linguistique, en particulier de la pragmatique.
Cognition sociale
Depuis les années 1970, la cognition sociale est au cœur de la psychologie sociale. Elle s'intéresse à l'ensemble des représentations et des croyances qu'ont les individus sur le monde social. Les principaux secteurs de recherche explorent la façon dont l'individu explique son comportement personnel et celui d'autrui, les schémas qu'il projette des situations, la représentation qu'il a de lui-même. Parmi les questions que ces recherches laissent en suspens, figurent celles qui concernent les motivations et les affects liés au fonctionnement cognitif lui-même, ainsi que celles qui ont trait à l'origine des structures du savoir social.

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